Bruno Faidutti: paix, amour et compréhension
Ceci ne reflète pas l'avis de Ludigaume mais uniquement celui de son auteur.
Dernièrement la lecture d'un texte d'un Bruno Faidutti plutôt en verve, intitulé "Pas d'excuses! / No excuses!", m'a fait réaliser à quel point cet auteur fut important pour moi dans mon appréhension du monde ludique, et le reste encore aujourd'hui. En disant cela, je n'envisage pas du tout de son travail de game designer, même si Citadelles reste une borne, mais plutôt son rôle de critique, de passeur et de commentateur du secteur.
Ce texte méritait du travail supplémentaire. Je le retire en laissant le lien vers l'article qu'il pointe qui me semble intéressant.
Rody Sansei
Posté le 26 décembre 2021 13:40Pour les nostalgiques ou les curieux, il est possible de retrouver la bibliothèque idéale de Bruno Faidutti sur web[dot]archive[dot]org,
Xavo
Posté le 27 décembre 2021 07:52En fait, c'était "Ma ludothèque idéale". En suivant le lient de Rody et en entrant l'adresse faidutti(dot)free(dot)fr, le site renait de ses cendres.
J'adore comment tu parles de l'internet ludique actuelle. Au delà de la bien-pensance, je pense qu'il souffre d'être corseté par cette approche quasi unique par le "produit". Le sujet est limité car les jeux n'ont, je crois, pas grand chose à dire. Quand on sait que la meilleure façon de faire de l'audience consiste à plaire à tout le monde, cela limite encore plus toute chance de proposer un contenu décalé pourvu que l'on ait pas l’honnêteté intellectuelle chevillée au clavier. La doxa de certains sites ou streamers est de ne parler que de ce qu'ils aiment. C'est bien pratique.
B.Faidutti a pour lui son écriture et son indépendance sur le plan intellectuel. Gus and co. se démarque aussi nettement dans ce paysage digne de la Flandre, prenant de la hauteur moins par la plume que par sa capacité à offrir une autre porte d'entrée que le produit..
Merci Damien.
Teaman
Posté le 28 décembre 2021 09:15J'aurais voulu apprécier ce texte, vraiment, car au-delà de la personnalité de Faidutti, il touche du doigt des sujets qui me tiennent à coeur. En tant que ludothécaire, je suis sensible à la question du jeu libre et en tant qu'amateur de jeu de société mais aussi de jeu vidéo et de cinéma, je suis conscient de l'importance des médias critiques. Le problème, c'est que ces sujets délicats, complexes, cet article les prend tous, les jette dans une marmite et les touille sans ménagement. A passer d'une phrase à l'autre, du jeu sérieux à la recherche universitaire, de l'écriture inclusive aux influenceurs, il n'en résulte qu'une tambouille indigeste et ce malgré un talent d'écriture indéniable. Le propos, pertinent à l'origine, est noyé. Il se délaie dans des condamnations brouillonnes et sans nuances qui donnent surtout l'impression que ces sujets ne sont pas maîtrisés. Tous les ingrédients étaient là mais employés sans justesse, il ne reste plus, à la fin, que l'amertume du cuisinier.
damien
Posté le 28 décembre 2021 10:33Teaman, je vous remercie de votre retour. Je préfère ce genre de réactions que pas de réaction du tout, à vrai dire. J'aurais aimé aimer ce commentaire.
Vous n'avez pas forcément tort: il y a probablement un problème de structure dans ce texte, lié à un exercice particulier de mise en lien de plusieurs sujets complexes, apparemment disjoints. On me l'a assez reproché par le passé pour que j'en sois conscient, et je suis assez têtu pour persister. C'est un exercice plus difficile que de rendre compte d'un jeu. Et c'est vrai que le ton est (volontairement) exagéré, que le second degré passe mal, ou peut donner l'impression d'un manque de profondeur. Effectivement, il y a sans doute des sujets jetés là, en attente de repreneur, une pensée qui pourrait ressembler à des tweets assassins mis à la file, sans fond. J'ai choisi cependant de le laisser comme cela, après relecture, avec ses imperfections, en faisant confiance au lecteur, et en me disant que ces ingrédients, pour reprendre votre métaphore, et les épices et le piment, je ne les vois pas beaucoup cuisinés. Qu'il y a un peu d'originalité. Il n'empêche que le texte n'est pas si dispersé que vous semblez le penser, et peut-être que la lecture internet accentue les choses. Nous pourrions dégager un axe central, qui serait la manière dont une certaine recherche sur le jeu tend vers une vision utilitariste, comment un leader de l'industrie investit actuellement dans la recherche, la manière dont les médias en rendent compte ou non, la manière dont Faidutti a un discours percutant sur le sujet qui, s'il rend bien justice à son style, ne va pas aussi loin qu'il le pourrait, selon moi. La manière dont ce genre de discours et de forme dont il fait un usage bien plus efficace que moi est accueilli de manière bien plus négative que des propos lénifiants et sans point de vue sur le même sujet. Tout cela me semble lié. Par ailleurs, même si cela est formulé maladroitement, je pense qu'il y a un lien entre le contrôle du langage - l'écriture inclusive, la bienveillance, l'injonction à être constructif -, cette conception particulière de la médiation, et le contrôle des émotions que semblent promouvoir certains jeux - par exemple Le Monstre des couleurs, ou Funny Sunny. Un lien sociologique. La question de la promotion d'une certaine vision du sujet, une norme. Mais tisser ces liens demande du temps, et il me semble qu'il faut tenir compte de la rubrique, qui est un lieu de légèreté et de réflexion. Par contre, j'ai un problème avec la conclusion de votre critique, qui prend la forme d'une condamnation globale sans exemple précis, forme que je vois souvent, variante de la condamnation à partir d'une petite erreur factuelle montée en épingle. Si vous voulez discuter, je pense que sur certains sujets que vous évoquez là, je peux tout à fait soutenir une pensée construite, plus construite que ce texte. Je vous propose cela, exposez une idée, soit la votre, soit une contenue dans ce texte et qui vous dérange, et je la discuterai.
Teaman
Posté le 28 décembre 2021 16:21Vous avez la dent dure avec les écrits des autres, même des tentatives encourageantes comme l’incursion de CPC dans le monde du jeu de société n’a votre assentiment que du bout des lèvres. Et vous avez surement raison, il faut être exigeant. Par contre, je vous trouve étonnamment indulgent (oserais-je dire bienveillant ?) avec votre propre prose. Vous lui reconnaissez des lacunes mais vous vous trouvez des excuses. Vous êtes trop têtu pour changer, internet perturbe la lecture du second degré et, de toute façon, personne n’écrit là-dessus. Et c’est vrai, il faut le reconnaître quoi qu’imparfait, votre article a le mérite d’exister.
Je suis heureux de voir ces sujets abordés. J’aurais juste aimé qu’ils le soient pas tous en même temps dans un article qui n’aura pas la place de les traiter autrement que superficiellement. Vous partez déjà du principe que l’écriture inclusive, le principe de bienveillance qu’applique les influenceurs et l’injonction à être constructif sont des notions claires pour tout le monde et qu’il n’est pas nécessaire de les définir. Mais en plus, vous les faites coexister dans une même tendance que vous nommez “contrôle du langage” alors que cela n’a rien d’évident. C’est une théorie intéressante mais encore faut-il l’étayer. Si possible avec des exemples précis. Mais vous, dans votre tête, vous n’en êtes pas là. Vous tissez déjà des liens encore plus obscurs avec le fait que les émotions soient un sujet très à la mode en puériculture. Sauf qu’on y est pas, nous, dans votre tête.
Bien sûr, le lecteur doit faire un effort devant un article qui aborde des sujets complexes. Mais sans prémâcher le travail, sans lui donner du prêt-à-penser, l’auteur doit aussi faire un effort de clarté sous peine de rendre son contenu indigeste et de faciliter les erreurs de compréhension.
Si j’ai pu me montrer difficile, ce n’est pas de l’animosité. J’aimerais pouvoir vous lire de nouveau et j’espère vous croiser un jour pour discuter de tous ces sujets.
Damien
Posté le 28 décembre 2021 17:12Merci pour les précisions, cela fait plaisir d'avoir un contradicteur de qualité. Je suis assez d'accord avec vous, ce papier d'humeur aurait pu être décomposé en une série de deux ou trois articles de fond, plutôt qu'exposé ainsi. Le prix du jouet 2021, la lampe Funny Sunny, et le fait que son éditeur un peu flippant capte 5 des prix, sa médiatisation, ses publicités, ses mamans influences qui le promeuvent, mériterait un article en soi, par exemple. Sauf que je n'aurais pas eu le courage de les écrire, je pense, et que c'est tout ce dont je suis capable pour l'instant. Ce brouillon. Contrairement à ce que je peux laisser penser, je suis plutôt très critique sur mes écrits: je ne sais pas très bien écrire pour internet, je ne sais pas communiquer sur internet, et je n'ai pas toujours les compétences requises pour transformer une intuition en argument, pour lier ces intuitions à des connaissances importées d'ailleurs. C'est largement imparfait. Sauf que je vois régulièrement des gens qui savent écrire sur Internet (c'est le cas de Gus and Co), ou qui savent écrire dans la presse (C'est le cas de Canard PC hors série), ou qui savent communiquer sur Internet (YouTube, Instagram). Et non seulement ce n'est pas là où j'ai envie d'aller, mais ces gens ne parlent pas des sujets qui m'intéressent, ou, quand ils le font le font de manière extrêmement superficielle et décevante - c'est ce que je reprochais à l'article en une de CPC, et je pense l'avoir plutôt argumenté. J'ai l'impression d'aller plus loin dans la complexité, mais aussi plus loin dans l'hermétisme. Je mesure bien l'écart qui me sépare de gens qui savent écrire et penser, ou qui par leur position sociale ont accès à l'information. Par exemple, j'ai été marqué par la lecture de Serge Daney, par la manière dont les cahiers du cinéma arrivent à penser la question de la technologie. Par la lecture d'un auteur qui disait que l'architecture du net est politique. Par la citation de Marx sur "transformer les masses pour le produit". Mais, comme, en l'occurrence, il n'y a personne qui m'en parle, j'essaye. Au risque du monologue et de l'incompréhension. Mais promis, je vais faire des efforts. Il y a pas mal de sujets qui mériteraient d'être un peu plus creusés.